samedi 26 novembre 2011

Pr. Amsatou Sow SIDIBE, membre de l’Observatoire national de la parité : «Nous avons un rôle d’alerte et de dénonciation !»

 

Le président de la République a officiellement installé l’Observatoire national sur la parité. Il compte 34 membres dont le Pr. Amsatou Sow Sidibé de la faculté de Droit, agrégée et spécialiste en Droit civil. Fondatrice du Rafet, et membre de plusieurs organisations de la société civile, Amsatou Sow Sidibé est candidate à l’élection présidentielle de février 2012. Elle veut y participer sous la bannière de son parti, «Car Lenen». Dans la première partie de cet entretien, elle revient sur les futures modifications du Code de la nationalité, l’application de la loi sur la parité et la place des questions de genre dans le débat politique à deux mois de la campagne électorale.

La sénégalaise va avoir le droit de donner sa nationalité à son époux, sous certaines conditions, et à ses enfants nés de père non sénégalais. Quelle incidence cela va-t-il avoir dans la loi ?

Il y aura une nouvelle législation. On va réformer le Code de la nationalité qui ne reconnaissait pas ces droits à la sénégalaise mariée. Mais vous savez, les hommes et les femmes, sensibles à la question de la condition de celle-ci, se sont toujours battus pour qu’une injustice soit éradiquée. Dans l’actuel Code de la nationalité, la femme ne peut donner sa nationalité ni à son mari étranger ni à ses enfants lorsque leur père est de nationalité étrangère. Alors que l’inverse n’existe pas. Quelque part, il y a une discrimination, une inégalité qui est le fait même de la loi. Or, la loi doit être égale pour tous. Donc, c’est une bonne initiative.

Professeur, selon vous, pourquoi la volonté politique, en annonçant cette mini révolution, a-t-elle voulu préciser le terme «sous certaines conditions» ?

Cette précision cache la volonté de lutter contre la fraude. Contre le mariage simulé, les mariages fictifs. Il y a énormément de personnes qui font des mariages blancs, non pas pour fonder une famille, non pas pour vivre en ménage, mais pour obtenir certains avantages, pour la réalisation d’intérêts personnels et privés. Il faut bien établir des conditions pour servir de garde-fous, afin d’éviter les mariages blancs, nuls et de nullité absolue. Il ne faut pas que l’étranger qui veut simplement avoir la nationalité sénégalaise vienne épouser, entre guillemets, une compatriote sans avoir l’intention de fonder une famille et un foyer.

Les mariages blancs sont un phénomène difficile à contourner. On a vu que c’est un vrai problème dans les pays occidentaux…

Il y a une législation adéquate. Mais les mariages blancs sont souvent extrêmement difficiles à déceler. Parce qu’il faut entrer dans l’imaginaire, dans l’esprit des époux, toujours entre guillemets, pour prouver la mauvaise foi qui les anime. Or, il n y a rien de plus difficile que de déceler la mauvaise foi. Cependant, il arrive que les juges, en France, découvrent que c’était un mariage d’intérêt uniquement, pour avoir accès à certains avantages. Auquel cas, le juge français a eu à annuler ces mariages en disant qu’ils étaient fictifs. Il faudrait que nos juges aussi puissent avoir la possibilité de les déceler en découvrant le pot aux roses et la simulation avec les témoignages et déclarations, par exemple, de l’un des conjoints fictifs.

Vous êtes membre de l’Observatoire national de la parité. Comment appréhendez-vous cette nouvelle mission, une parmi les multiples qui vous occupent ?

Les missions de l’Observatoire sont multiples. D’abord, c’est une mission de constat. On observe. Il faut également assurer le suivi de la loi sur la parité. Faire l’évaluation. Faire des propositions concrètes de mise en Å“uvre de cette loi. Dans les organes totalement ou partiellement électifs, on doit vérifier si l’application de la loi est effective. C’est-à-dire 50%-50%, ce que le langage populaire rend sous le vocable anglais de «fifty-fifty». L’Observatoire a aussi un rôle éminent d’alerte et de dénonciation. Nous ne sommes pas une juridiction.

Justement quel est le bilan que vous faites de l’application de la parité au Sénégal ?

Je me rends compte que pour le moment, c’est un leurre. Au niveau des instances législatives et semi-législatives, on n’a pas la parité qui est différente de l’octroi d’un quota.

Mais le Parlement a été constitué avant le vote de la loi sur la parité…

Certes, mais regardez la composition du bureau de l’Assemblée nationale ! On vient de le mettre en place il y a un peu plus d’un mois. Est-ce que la parité y a-t-elle été appliquée ? Non ! Donc, je perçois un manque de volonté. La mise en Å“uvre de la parité pose problème. Ensuite, on ne peut pas parler de parité sans évoquer la question du leadership féminin. Un exemple banal ? Il y a une candidate du nom de Mme Amsatou Sow Sidibé à qui le ministère de l’Intérieur tarde à lui remettre le récépissé de son parti politique. On lui demande de permettre à des femmes de se présenter dans l’arène en février 2012. Cette élection sera aussi celle du leadership féminin. Il s’agit d’accepter et de vouloir le progrès et le développement. Les femmes représentent 52% de la population ; elles sont incontournables. Leur participation à la vie publique est déterminante ; cela participe à l’équilibre global de la société. Nous allons tenter de placer la question du leadership féminin au cÅ“ur des débats lors de cette élection présidentielle. C’est le moment ou jamais. Nous nous sommes rendus compte qu’il y a beaucoup d’hommes qui appuient notre candidature. Trois hommes sont passés par-là (Ndlr – la présidence de la République du Sénégal) ; c’est le temps des femmes !

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